Aaaaah la Sicile ! Quelle magnifique partie de l’Italie que voici là, étendue sous les yeux violacés de notre Indépendant préféré, j’ai nommé le seul, unique et inimitable Gabriel Sherlock Hattstatt ! Il était venu là pour enquêter sur une possible piste au sujet de Moriarty – et avait d’ailleurs déniché une drôle de petite boîte, semblable à celle qu’il avait déjà et contenant une clef dont il ne savait pas encore quoi faire, pour dire vrai. Il chercherait plus tard, se disait-il, pour le moment. Sa préoccupation première était de se détendre quelque part ou on ne viendrait pas l’ennuyer. Après tout, en une semaine qu’il avait atterri là, il n’avait toujours pas visité le pays ! Sacrilège ! Et puis, ce qu’il avait envie de faire, tout particulièrement, c’était draguer un peu de jolies jeunes femmes. Pas forcément en espérant quelque chose derrière, simplement pour le plaisir que cette activité procure à son égo tout à fait masculin, en plus d’être français jusqu’au bout des ongles.

Ainsi, après avoir passé quelques heures à son hôtel à se préparer en bon et due forme – même si au final, il avait surtout l’air d’un touriste des plus banal avec sa paire de lunettes de soleil sur le bout du nez. Mais bon, il restait un charmant jeune homme à qui l’on aurait pas donné dix-sept ans, c’est sûr. Au minimum la majorité, car bon, il n’était pas courant qu’un gosse comme lui se promène seul, sans « amis » de son âge pour discuter ou quelconque activité du même genre.

Heureusement qu’il savait à peu près se démerder pour se retrouver rapidement, car il ne faisait pas non plus très bon de trainer ici, sachant que l’île était tout de même le berceau de la Mafia. Chose à ne pas prendre à la légère, donc. Absolument pas, même.

Mais sans même penser sérieusement qu’il pourrait lui arriver une bricole en ce jour si ensoleillé, Mister Hattstatt se trouva rendu sur la plage au sable brulant et remplie de magnifiques créatures en maillots de bain ultra miniature. Le rêve de tout homme, pour faire court. Il sentait déjà ses hormones qui le travaillaient dare-dare. Aussi, il ne lui fallut pas bien longtemps pour se retrouver la chemise à fleur hawaïenne – quoi un cliché ? – ouverte, laissant entrevoir sa fine musculature par encore tout à fait finie. Et accessoirement, il prit ses tongues à la main pour mieux se délecter de la chaleur salvatrice du sable fin entre ses orteils. Rien n’aurait pu mieux se dérouler. C’était ce qu’il pensait.

Un marchand d’esquimau arpentait la dune et donna immédiatement envie à l’expatrié provisoire de se faire un petit plaisir sucré. Une glace. Un immense sourire d’abruti sur les lèvres, il s’apprêtait donc à sauter littéralement sur le vendeur ambulant quand l’impensable se produisit.

Il y eut des cris et de l’agitation partout. Bon, certes, Gabriel reconnaissait être très beau, mais de là à déclencher une émeute par sa simple présence !... Ah non, ce n’était pas ça finalement. Pas du tout. Apparemment, quelqu’un était en train de se noyer un peu plus loin et les maitres-nageurs demeuraient introuvables. Juste, pourquoi personne ne bouge pour venir en aide au pauvre bougre qui gesticule dans la flotte ? Impossible de croire que personne ne sait nager ici !

Bon, après environ une demi-seconde de réflexion intense, Sherlock sentit son héroïsme reprendre le dessus. Lâchant ses tongues, il fonça directement dans l’eau tiédit par le soleil et arriva près de la personne – dont il identifia que c’était un garçon- rapidement.

« Pas de panique je vais vous sortir de là ! »

Il avait parlé en italien, réflexe. Et avec toute sa vigueur, voici qu’il ramenait la malencontreuse victime sur la plage, sous les applaudissements d’un public qui, déjà, s’éparpillait. Eh bien, bonjour les gens d’aujourd’hui. Heureusement que la mer était très calme aujourd’hui. Se massant la nuque après un soupir sonore, Gabriel se remit sur ses jambes et tendit la main vers son comparse, voulant l’aider à se relever. Il en avait perdu ses lunettes, dans l’agitation, c’était malin. Un sourire peiné sur les lèvres, il enchaina avec un très avenant ;

« Ça va sinon ? »

Il ne se doutait pas de la galère dans laquelle il s’embarquait.

Oh, bordel de merde. Sainte Marie Mère de Dieu – oui, on peut jurer et en appeler à une entité supposée supérieure dans une même continuité de phrase, parfaitement, et si c’était pas le cas avant, maintenant c’est possible parce que je l’ai décidé, nah. Bref. Donc, pour en revenir à notre imbécile de compétit- quoi encore ? Pourquoi on m’interrompt ?! Hein ? Comment ça de qui je parle ?! Mais vous le faites exprès bande de cucurbitacées ou bien ?! Mais de Gabriel sinistres idiots ! Là, ouiiii, le français flanqué d’un second prénom anglais. Voilà. Vous le remettez mieux, maintenant ? Bon, parfait, on peut reprendre donc.

Résumons ce qui vient de lui arriver. Monsieur se baladait tranquillement sur une plage de Sicile –qui, rappelons-le, n’est autre que le berceau de cette chère Mafia – tout près qu’il était à aller draguer de la donzelle en fleur et maillots de bains trop petits, lorsque sonna soudain la nécessité pour lui de faire son héros et d’aller sauver une personne de la noyade. Nous tairons ici le fait qu’il n’y est pas vraiment allé par choix mais parce que personne ne réagissait alors. Passons, un héros reste un héros, même quand il ne l’a pas vraiment fait exprès.

Le souci, parce que fondamentalement, s’il n’y en avait pas, ce serait d’un ennui mortel, c’est que le gus paraissait avoir déjà des idées en tête. Sauf que Gabriel bah… oui, vous l’aurez bien devinez, il n’avait pas capté tout de suite. De toute manière, pour que ce gars comprenne quelque chose, il faut un certain temps de réaction. Non, il est pas con, loin de là ! Il comprend vite d’ailleurs, mais… il faut lui expliquer longtemps, c’est tout.

.. Ouai non si, oubliez. Il est con. C’est tout, je ne vois pas d’autres explications rationnelles à ça sinon. Ce qui s’est passé, c’est qu’il a bien bugué. Mais genre sévèrement. Un peu comme quand on contrarie Windows 95, m’voyez ? Je sens que ça vous parle cette image, je m’en resservirais à l’avenir, ce sera très constructif, comme ça. Les yeux fixes, le visage entier qui l’était tout autant et des oreilles qui transmettent au cerveau les allusions presque choquées des gens alentours après ce qu’il vient de se passer – n’oublions pas que le sud de ce pays est particulièrement machos, ahem. En gros, l’Hattstatt, il s’est transformé en ressort. Voilà.

Ses bras se sont tendus presque instantanément après qu’il ait senti un contact pour le moins fort étrange sur ses lèvres. En temps normal, embrasser ne l’aurait pas dérangé. Rouler des patins à des filles, c’était même devenu élémentaire, pour lui, quand bien même il n’était ni un goujat ni un Don Juan. Mais ça. Ouii, CA, il ne s’y était pas attendu une seule seconde. Ce gars l’avait embrassé. Mais vraiment. Un VRAI bisou. Pas un truc pour se charrier entre potes, non non NON. Malheur, sacrilège, désespoir ! Ses précieuses lèvres avaient été alpagués par une paire de jumelles MASCULINES (cherchez le mot clef de cette phrase, vous verrez, c’pas très dur.)

Pouf, les deux bras en position barre pour repousser l’individu sur le sable sans la moindre délicatesse. Navré le Gabriel mais bon, là il était encore choqué. A la limite si le contexte –et moi-même- le lui avions permit, il aurait entamé un Shakespeare tragique. Sauf qu’on a pas le temps pour ces conneries, donc nous irons vite et bien. N’importe quelle yaoiste dirait que c’est là le début d’un éveil chez l’un et d’un amour passionnel pour l’autre – mais qui est qui ? Ah ah, je vous laisse devinez aussi j’pas envie de me fouler, noooon ♥.

Sauf que. Moi, j’suis pas yaoiste. Mais j’aime emmerder Gabriel, parce que c’est mon perso’. Du coup, j’vais me ranger du côté des yaoistes pour cette fois, juste pour l’enquiquiner bien comme il faut, ah ah. Je ris d’avance.

« J… Non mais vous avez pas besoin de me remercier hein ! Ce... C’était normal rien de plus ! »

Là, il y aurait eu un néon « Au secours sauvez-moi » au-dessus de sa tête, ça n’aurait pas pu être plus explicite. Mais bon, la vie n’est jamais simple.