Tout était parfait. Même plus que parfait; encore plus que le temps de certaines conjugaisons, c’est dire! La question, maintenant, ne se résumait plus qu’à un peu de temps et de patience. Gabriel était tranquillement installé dans un fauteuil qui ne lui appartenait pas, au cœur d’une maison qui… ne lui appartenait pas non plus. A vrai dire, voici deux semaines déjà qu’il squattait –pour parler vulgairement un peu- chez Ashley McGray, « son » adorable anglaise qu’il se plaisait à surnommer Watson. Tout aurait pu aller parfaitement bien dans le meilleur des mondes s’il n’y avait pas eu un mini-petit-micro souci. Oui, voilà, un souci gros comme une tête d’épingle. Ou une petite araignée, si l’on voulait être mauvaise langue.

Taylor, car c’était son nom, était la cousine d’Ashley. Et apparemment, elle vivait aussi ans cette baraque, au grand damne du français –quand bien même il n’avait pas son mot à dire non plus. On n’aurait pas pu rêver pire entente que ces deux-là. A chaque fois c’était pareil. Dès que leurs regards se croisaient, ça partait en troisième guerre mondiale. Ou presque. Enfin, l’idée est là. Entre vacheries franchement pas cool –comme par exemple couper l’eau froide lors d’une douche et ébouillanté un petit brun – et des piques à tort et à travers, l’ambiance n’était pas au plus haut qu’elle aurait pu être. Bien au contraire, en fin de compte.

C’est bien pour ça que Sherlock était si détendu, présentement. Il avait préparé une petite vengeance pour sa Némésis miniature. Elle allait regretter toutes les horreurs qu’elle avait dit et en plus, il était dur de se marrer comme pas permis. Tout le bénéfice lui revenait, donc. Bon bon bon, maintenant, il ne restait plus qu’à être calme et faire en sorte de ne pas éveiller les soupçons. Héhéhé, qui aurait cru que son salut viendrait qu’un colorant éphémère pour cheveux ?

Bon dieu, ce que c’était jouissif ! Il n’y avait pas d’autre mot pour décrire l’actuel état de satisfaction dans lequel se trouvait actuellement le français. Sa petite vengeance avait fonctionnée comme sur des roulettes ! Pourtant il fallait bien qu’il avoue ne pas y avoir cru immédiatement. Pour lui c’était quasiment impossible que Taylor, la pro des coups fourrés et des mauvaises blagues tombe dans un piège pareil ! Eh bien le destin avait apparemment décidé d’être taquin au possible. Il souriait maintenant comme un demeuré, cachant avec peine son enthousiasme mal contenu. Quittant le confort du fauteuil, il fit quelques pas en direction de la salle de bain, mais conserva tout de même des réflexes de survie.

Il ne s’approcha pas plus que nécessaire et s’arrêta tout en bas des escaliers y menant, afin d’être sûr de pouvoir se retirer lâchement au moment le plus opportun pour se faire. Il avait déjà hâte de courir, en dépit de tout. Pire encore, histoire de jeter encore un peu plus d’huile sur le feu, le jeune homme se racla la gorge avant de déclarer, cordes vocales déployées ;

« Ouiiiii ma douce ? Que t’arrive-t-il ? Non pas que je n’apprécie guère quand tu cris mon nom mais je suis curieux d’en connaître la réponse en cette fraiche matinée ! Je te manquais tant que ça ? »

Il ricana par la suite, telle l’hyène Ed dans le célèbre Disney Le Roi Lion. Pour un peu, il se serait même tenu les côtes ! Mais il savait qu’il devait se tenir prêt à piquer le sprint du siècle alors mieux valait être sur d’assurer ses arrières et s’enfuir en courant le plus vite possible par la suite. Car si Gabriel, en bon français qu’il était, savait une chose au sujet des femmes, c’était qu’une femme énervée était plus dangereuse que tout !

Dire que j’étais en colère était encore un terme bien trop clément pour exprimer ce que je ressentais. C’est avec les mains légèrement tremblantes de rage que je tentais de m’habiller le plus rapidement possible. Pas le temps de repasser dans la chambre me chercher des vêtements propres, je remettais donc de nouveau mon ensemble de pyjama. Une fois short et t-shirt une fois à leur place dans un record absolu, prête à sortir de la salle de bain, la voix de Gabriel retentit, me donnant d’avantage des envies de meurtres sur sa personne. Il cherchait à me provoquer et au ton de sa voix, il s’en amusait extrêmement.

« Ouiiiii ma douce ? Que t’arrive-t-il ? Non pas que je n’apprécie guère quand tu cris mon nom mais je suis curieux d’en connaître la réponse en cette fraiche matinée ! Je te manquais tant que ça ? »

J’en étais sûre maintenant, il prenait sa vengeance et y prenait grand plaisir ! La porte ouverte, j’avais parfaitement entendu le son de sa voix et le rire qui le suivait ce qui ne pouvait signifier qu’une chose, il ne devait pas être loin ! Je ramassais au passage ma brosse et une bouteille de shampoing et sortis à toute allure avant de me remettre à hurler.

« Ma douce ? MA DOUCE ?! Comme si tu pouvais sérieusement me manquer ! »

Ayant repéré sa tête au bas des escaliers, je lui balançais alors ce que j’avais dans les mains. Le premier n’atteint pas sa cible et revanche mais je ne me décourageai pas en m’élançant sur les marches avant de tenter ma chance avec le deuxième. J’avais bien visé cette fois et j’espérais du plus profond de mon cœur que cette bouteille s’ouvre sur sa misérable personne !

« Gabriel reviens ici ! Je vais t’en faire bouffer moi du colorant ! »

Je me lançais à sa poursuite, prête à lui rendre la monnaie de sa pièce! Il avait osé touché à mes cheveux et ça, ça ne resterait pas sans conséquences car jusqu'à ce que cette horreur soit partie, il entendrait parler de moi. Cette fois, pas de pardon possible. Gabriel je te déteste!