Naples…. Voici bien longtemps que Symphony ne s’y était pas rendue. A vrai dire, le dernier souvenir qu’elle conservait de cette ville était une sortie scolaire qu’elle avait dû faire il y a bien longtemps de cela à présent. Quel âge devait-elle avoir, déjà ? Une dizaine d’années tout au plus. Et elle n’avait même pas pu profiter pleinement du voyage. A cette époque, les abus répétés de son « médecin de famille » la rendait aussi aigrie que faible d’un point de vue physique et psychologique. Mais justement, le fait qu’elle était ainsi sans jamais changer n’étonnait même plus les autres élèves et accompagnateurs. On la laissait seulement dans son coin, sans lui accorder plus de regards que nécessaire.

Reléguée trop souvent au simple rang de potiche, la Lesioni en avait même oublié ce que c’était que de sourire sincèrement, autrement que derrière un masque de fer imaginaire. Même chose pour ce qui concernait l’amitié. La petite italienne avait cessé d’avoir de vrais amis dans son entourage proche, jusqu’à ce fameux soir. Jusqu’à ce qu’elle rencontre Alda.

Il est prétendu qu’il faille connaître une personne depuis des années, au moins, pour être en mesure de la définir du rang gratifiant d’ami. Pourtant, même si ce fut la toute première fois que leurs yeux se mélangèrent, les deux adolescentes étaient certaines de pouvoir a elle deux balayées cette fausse certitude. Depuis lors, après avoir sacrifié un œil chacune pour se procurer un trésor inconnu du commun des mortels, main dans la main, elles avancent, côtes a côtes. Pour le meilleur et pour le pire.

Nettoyer la planète des déchets humains, voici leur but commun. Par le sang, tout sera purifié. C’était exactement comme les grandes et épiques croisades des armées françaises sur les territoires d’Orient du moyen-âge. Les chevaliers blancs anéantissaient pour la sainteté et leurs croyances en leur Dieu tout puissant. Leurs méthodes violentes fonctionnaient. C’est aussi pour cela que Symphony trouva encore une fois les méthodes de sa chère famiglia très adaptées au contexte. Les principes d’avant-guerre étaient remis au gout du jour. Tout était parfait.

Ses pas félins, sans bruits aucuns la portait à travers la ville presque inoccupée. Qui sait, peut-être que bientôt les caresses de ses Gardiens viendraient exorciser tout le mal qui se tapit vicieusement dans les entrailles de cette magnifiques cité au riche patrimoine historique. Si tel était le cas, la Lesioni en avait grand hâte. Rien que l’idée d’observer les flammes de ses acolytes danser à l’intérieur de sa paire de lunette d’Opéra la faisait frémir de plaisir à l’avance.

Si elle pouvait se balader avec autant de liberté, c’était bien parce que son visage n’était pas fiché, comme la majorité des grands mafieux, ceux dont on peine à discerner ne serait-ce que la silhouette ; tout comme elle. On connaissait sa réputation et de temps à autre son nom, mais c’était encore plus rare. Souvent, pour ne pas dire tout le temps, on la désignait comme « Le Ciel Vérificateur ». Ce qu’elle était. Ce qu’elle a, au fond, toujours été et ce qu’elle sera toujours. Les badauds ne soupçonnaient guère qu’ils avaient juste à côté d’eux, sur le trottoir opposé, un être capable de les trancher en deux sur un simple coup de tête. Qu’elle était belle, l’insouciance humaine.

Soudain, un bruit dans une ruelle attira son attention tout particulièrement. C’était étrange, comme une présence. Et elle se mit à être dérangée, également. C’était une sensation désagréable qui la prenait au corps. Comme si elle était en danger. Jamais plus, depuis ce soir maudit ou elle avait été … brisée, elle ne s’était plus sentie ainsi. Ses nerfs étaient mis à rude épreuve tout à coup, c’était incroyablement étrange. Il n’y avait bien qu’un moyen de savoir ce qui se tramait.

« Le jour où tu verras la menace, Silvin, tu la reconnaîtras. C’est un don qui est en toi. »

Pourquoi ces quelques mots de ta main te revinrent en tête lors de ton séjour dans cette chère Naples ? Aucune idée. Ces mots, tu les tenais de ta mère. Une belle femme si l’en ait. Une femme forte s’il en ait. Une Leone. La Terre des Leones. Tu repensa à elle et, alors que tu marchais dans la rue, des perles roulèrent sur tes joues. Juste deux ou trois. Rien de plus. Un symbole de tes souvenirs brisés. Tu tiens tout ce que tu sais d’elle. Même le Tougemichi Ryu te venais d’elle. Certes, tu l’avais fait évoluer mais, elle t’a tout appris. Et c’est peu de le dire … Repenser à sa mort à l’attaque des Van Sidéris, à la mort de tes amis un par un … Toutes ces choses te firent péter un câble. Tu te surpris à taper en plein dans un mur avec ton pied. Heureusement,il n’y avait personne dans la ruelle que tu arpentais.

Tu marchais donc tranquillement dans la rue, pensant un peu à n’importe quoi quand, au détour d’une ruelle, tu tomba sur un petit bar qui te sembla for sympathique. Tu y entras donc sans cacher ton anneau et sans non plus l’exposer parfaitement. Tu t’assis à une table tranquillement et tu commandas une bière. Tu ne boirais rien de plus ce soir là. Tes informateurs avaient livrés des choses très intéressantes comme la possible venu d’une des deux boss Auditore. Certes, tu ne l’avais jamais vu. Mais la rencontrer serait quelque chose de très intéressant. De très important même. Etant toi aussi un boss de la famille Leone, tu te devais de faire certaines choses un peu chiantes comme te charger des relations inter-familiales. Bon. Ce serait un peu compliqué avec celle-là mais bon. Tu pourrais toujours essayer.

Tu étais donc tranquillement dans à la terrasse du bar quand tu vis une jeune femme devant toi. Démarche souple, allure fier et pourtant passe partout … Elle tourna la tête vers toi. Un oeil en moins ! Les deux Ciels avaient sacrifié un oeil chacune. Au vu de la position de ce dernier, cela devait être le Ciel Vérificateur ! Mais comment le confirmer ? Il y avait beaucoup de mafieux et mafieuses ayant perdu un oeil. Mais … Tu la sentais. Cette espèce d’aura que possèdes les détenteurs des flammes pures que sont la Terre et le Ciel. Persuadé qu’il s’agissait d’elle, tu laissais sur la table de quoi payer et tu me levais. Un fois dans la rue, tu t’es servis de ta flamme pour rapidement monter sur un toit

« Gravity Change »

En supprimant simplement la gravité, tu te permis un bond rapide pour attérir sur un toit et suivre la jeune femme depuis les hauteurs. T’attendant à être seul, tu ne fis pas attention à tous ce qui se passait autour de moi. Rapide au possible, tu ne vis pas le coup venir. Un coup sec, au niveau de l’abdomen. Tombant au sol, le souffle coupé, il te fallut une micro seconde pour remarquer le coup de pioche qui arrivait vers ton crâne et, fort heureusement, tu roulas sur le coté afin d’esquiver. Tu te mis à croupi, prêt à passer à l’assaut. Mais tu allais prévenir les gens autour de toi, si tu avais des alliés, que tu étais là. Contrairement à certain, tu as toujours assumé ta place dans le monde de la mafia. Il existe deux types de boss. Ceux dit de l’ombre et ceux dit du contact. Tu es très clairement du contact. Pour prouver que tu étais sur place, tu utilisas ta flamme pour te déchainer le temps d’une seconde. Et lorsqu’une flamme de haut niveau se relâche très rapidement et se retrouve à nouveau bloqué, la plupart des utilisateurs d’anneaux ressentent un certains malaise. Un malaise assez horrible.

Tu étais seul. Ils étaient cinq. Trois filles et deux garçon. Tu étais juste à coté du vide. L’un des filles pris une batte de baseball et tapa dans une balle visiblement électrisée. Voilà d’où venait le coups sans que tu ne le sente arriver. Un coup à mi-distance. Tu te laissas tomber en arrière et, au dernier moment, tu utilisas ta flamme pour stopper ta chute. Tu regardas vers le ciel mais déjà ils sautaient tous les cinq. Les flammes semblaient intéressantes: Foudre, Tempête, Pluie, Forêt et Mer. Etait-ce un groupe indépendant cherchant à ce faire un nom ? Ils m’entouraient. Tu te permis un regard à droit et un à gauche … D’un coté, un jeune homme arrivait en courant. De l’autre … La jeune femme que tu cherchais. Fort intéressant. Tu les regardais et tu cru reconnaître le jeune homme comme un Di Luna. Tu voulais obtenir leur aide mais pas la peine. L’un des garçon osa dira:

« HAHAHAHAHAHA ! Je vois. Voici donc Météora, la Terre des Leones. Je méprises les familles. Aussi bien la tienne que les Van Sidéris, les Di Luna ou encore les Auditore. Sous couvert de votre grande puissance vous n’acceptez pas de personnes moins fortes. Laiss nous te tuer. »

Déjà à cinq contre un ils avaient peu de chance … Si la Auditore s’en mêlée … Tu n’osas même pas y penser !

Ses pas la guidèrent en effet vers les lieux ayant attirés son attention. Et elle ne s’était pas sentie en danger pour rien. Encore une fois, son instinct s’était révélé à la hauteur de son statut de Boss, quand bien même certains dénigraient encore ses compétences dans le domaine dont il était actuellement question. La Lesioni laissa son seul œil valide vagabonder d’un bout à l’autre de cette ruelle exiguë. Elle ne s’y sentait pas à l’aise, bien qu’elle tâche de le contenir au mieux. Elle ressentait clairement plusieurs puissances s’élever entre ces murs-ci ; dont deux bien plus fortes que l’ensemble. Il y en avait même une qu’elle sentait égale à sa propre personne ; mais elle n’osait en croire ses ressentis. Ca ne pouvait pas être possible. Pourtant, avec une attention toute particulière, elle appréhenda soigneusement chacune des paroles proférées par le petit groupe d’agresseurs qui, heureusement, n’avait pas – encore- je té son dévolu sur elle.

Plusieurs choses la choquèrent grandement. Tout d’abord, le fait que ces gens disent ne pas aimer les familles sous un tel prétexte, profondément faux. Que les autres refusent les faibles, elle acceptait d’y croire au moins un peu, mais ses Auditore, les plus grands parmi les grands d’après elle, n’aurait jamais refoulés des candidatures pour un tel motif. Ils étaient ceux qui seraient amenés à purifier ce monde ; le moindre volontaire était le bienvenu tant que ses idéaux rejoignaient les leurs. Une purge par le sang, pour le salut de tous. Pareils dessins n’auraient donc su être justes et Symphony s’en retrouva même presque … vexée. Elle n’aimait pas que l’on dénigre ses précieux Auditore, même si le comportement de certain laissait parfois à désirer, ce n’était jamais rien qui nécessitait une punition expéditive. Ce n’était encore jamais arrivé et elle faisait son possible pour que ceci n’arrive jamais, en plus.

Et puis, il y eu l’autre information cruciale, qui lui fit écarquiller grand son unique œil jaune. La Terre des Leone ? Nom de Dieu, c’était donc possible ? Elle faisait face à un ennemi encore plus grand que son précédent Gardien du Nuage, qui avait tenté de l’abattre avant de disparaitre lâchement dans la nature. C’était un niveau tout autre, si bien qu’elle se sentie un instant paralysée face à ce grabuge d’un ordre bien plus élevé qu’elle ne l’avait imaginé. Elle avait encore beaucoup à apprendre, il ne fallait point douter de ce fait avéré. Une expression de terreur passa fugacement sur son visage magnifique, digne des plus belles impératrices que le monde ait pu porter jusqu’à ce jour. Comme en transe, elle ne fit plus vraiment attention à ce qui se déroulait sous ses yeux.

Enfin, ça, c’était jusqu’à ce que l’un des individus agressifs, un jeune homme, s’arrête sur son cas, la faisant sursauter.

« Tiens donc, une jolie demoiselle que voilà. Je vais bien prendre soin de toi une fois que j’aurais mis ce gars à terre, t’en fais pas. »

Un frisson répugnant passa sa colonne vertébrale. De mauvais souvenirs remontaient à la surface. Le médecin. Les abus répétés. Sa voix. Elle en trembla, faisant un pas en arrière. Mais fort heureusement, elle avait avec elle un allié indéfectible. Son Cerf du Ciel, Styx.

Ce dernier, sentant la peur envahissant sa propriétaire, sorti derechef de sa boîte, se positionnant vers les indigents de manière à protéger Symphony de toute représailles ou retour de flammes. Et il fonça une fois dans le « tas ». Ses bois irradiant d’une onde orangée, en harmonie parfait avec son corps, blessèrent grièvement deux des individus, dont un mortellement. Une ruée suffit à en envoyer un troisième dans le décor. Puis il revint, serein, vers la Lesioni, faisant écran de son imposante stature de mâle pour la conserver du moindre mal.

Alors elle était bien celle que tu cherchais. Bref. Tu avais un autre problème là. Les cinq jeunes. L’un s’approcha de la Auditore et les autres continuaient à t’entourer. Tu regardas un instant le visage du Ciel Vérificateur.  Elle semblait apeurée … Par toi ! Avait-elle eu une mauvaise expérience avec un Leone ? Ou bien avec la flamme de la terre ? Enfin tu n’en n’avais que faire. C’était une bonne chose à savoir mais pour plus tard. Pour l’instant, quatre individus te fixaient un peu trop pour vouloir te faire un câlin. Tu sortis bien gentiment ton arme, assez calmement et tu te mis en position pour le combat. Tu te tenais dos à la Auditore et deux se trouvaient entre toi le jeune homme qui se tenait désormais contre le mur. Mine de rien, tu te mis à faire tournoyer ton arme. Un bâton de combat prolongé par deux lames d’aciers de trente centimètres. Une belle arme. Lorsque tu atteins une vitesse admissible, tu lanças ton arme vers la jeune femme la plus proche de toi. Elle sauta pour esquiver en explosant de rire. Tu murmuras juste :

«Ourai. »

L’effet ne se fit pas de suite. Il faudrait juste un peu de temps. En attendant, tu mis tes mains devant toi comme pour tirer une sphère d’énergie. Le flux de flamme projeté par ton anneau augmenta et une petite sphère se créa au creux de ta main. Quand elle atteint la taille d’une balle de tennis, tu semblas tirer le projectile pour qu’il se dirige droit vers ton deuxième ennemi.

«Gravity Snowball. »

LA sphère commença à attirer des choses autour d’elle. Papiers, canettes, pierres … LE tout forma un beau projectile de la taille d’un ballon de football. L’homme te regardant semblait attiré lui aussi … Cette technique était terrible. Plus elle avait attiré de chose et plus sa force d‘attraction devenait grande. Quand il se retrouva lui aussi collé à la sphère, la sphère accéléra et finit par atterrir dans un mur. Au même instant, ton arme revenait, tel un boomerang, tapant assez violement le sommet du crâne de l’adolescente qui s’écroula. Tu ne l’avais pas tué. Juste endormi de force. Quand tu te retournas, le spectacle t’ébahit. Deux des turbulents étaient au sol, dont un probablement mort. La fille restante voulu s’enfuir. Cela n’allait pas se passer comme ça. Tu souris, tu rangeas ton arme et tu concentras ta flamme sur la fuyarde :

«Gravity Jail. »

Une sphère noire entoura la jeune femme qui se retrouva immobilisée. Tu la rapprochas de l’attention de tous et tu regardas ce qui se passait. Le cerf de la Auditore avait fait un véritable massacre et le jeune mafieux voulait visiblement s’occuper des blessés. Cela n’allait pas plaire à tout le monde connaissant la politique du « Zéro Prisonnier » mais il y avait une probabilité qu’elle le laisse faire. Au pire tu le protégerais. Vu sa réaction quelques minutes plus tôt, elle avait terriblement peur de toi. En prévention, tu vins te placer à mi distance entre le Cerf céleste et le jeune infirmier. S’il y avait un accrochage, tu devrais intervenir au plus vite. Tu te rappelas alors que tu avais encore la fille possédant une flamme de la tempête sous la main. Tu rapprochas la sphère de toi et tu la regardas pour la détailler : anneau de bas étage, range B grand maximum, style vestimentaire incohérent, juste une boîte arme dont le contenu résidait dans sa main : une pioche. Puis tu regardas ses yeux … Ils étaient étranges. Comme si elle était vide de toute volonté. Comme un cadavre tenu par des fils. Tu décidas d’en faire part aux deux autres :

«L’un de vous possède-t-il la flamme de la brume ou du désert ? Ou bien êtes vous accompagné par un utilisateur chevronné ? Si c’est le cas cessez votre emprise sur la fille … Si ce n’est pas le cas … Nous sommes peut être dans une illusion. »

Tu espérais que ce ne soit pas le cas. Tu n’avais jamais été doué pour déjouer une illusion. Alors en étant dedans de puis un certain temps … Tu demandas alors à la gamine :

«Qui es tu et pourquoi es tu là ? »

Elle ouvrit la bouche. Aucun son n’en sortit. Très très très étrange …

L’unique œil valide de Symphony avait pris acte de tout ce qu’il venait de se passer devant elle. Son cerf, Styx, fidèle au poste, la protégeait de tous les dangers pouvant avoir l’audace de se croire capable d’être en mesure de planer sur sa petite et fragile personne. Nulle méprise, la jeune Boss Auditore savait parfaitement bien se défendre lorsqu’il le fallait. Toutefois, elle préférait encore se reculer dans l’ombre, en attendant son heure, laissant les effusions de sang frais à Alda ainsi qu’à leur bras droit. En ce qui la concernait, elle se chargeait d’éliminer, à la manière d’une lame préventive, les rares survivants qui avaient échappés Dieu sait comment aux armes de ses sanglants compatriotes tant aimés.

Plus elle regardait cette scène consternante et plus la colère s’infusait en elle, lentement, tel un venin doucereux, prêt à tout engloutir. Elle se mettait rarement en colère, étant d’une nature réservée d’ordinaire ; voici pourquoi ses colères pouvaient faire peur, car déboulées de n’importe où et n’importe quand. C’était là le fruit d’une accumulation particulière, sans doute, et la fatigue occasionnée par le voyage, qui allait de pair. Son cœur se mit à battre bien plus vite, tout à coup, ce que sa boîte animale ne manqua pas de relever. Il vint coller son museau dans le creux de l’épaule de sa propriétaire, voulant la rassurer quelque peu. C’était en revanche bien peine perdue ; elle tremblotait, signe que ses nerfs allait bientôt lâcher.

La Lesioni savait qu’il lui fallait prendre sur elle pour ne pas flancher bêtement et risquer de se blesser au risque d’inquiéter Alda plus que nécessaire. Aussi calmement que possible, la violette tenta de donner un rythme concret à sa respiration, pour ne pas souffrir d’hyperventilation ou tout autres symptômes pour le moins déplaisants dans ce genre de situation. Ce n’était en revanche pas aussi simple que cela paraissait être.

En effet, alors qu’elle n’avait même pas daigné relever les paroles du jeune homme sorti de nulle part et présentement en train de porter secours aux deux inconscients, celles de l’autre garçon eurent un impact très différent sur le Ciel Vérificateur. Flamme de brume ou de Désert ? Symphony n’avait personne avec ces attributs dans son entourage proche, elle était venue seule. Malgré tout, elle se sentait d’autant plus vulnérable, désormais. Ces deux éléments étaient sans aucun doute possible ceux qu’elle pouvait le moins supporter – quand bien même les Gardiens et Gardiennes de ces éléments dans sa famiglia étaient des personnes assurément de confiance. Il n’y avait bien dans les bras d’une seule Brume que l’italienne se sentait en sécurité et c’était la sienne. Hors, Matthew n’était pas là pour le moment. Elle devait faire front seule et admettre que l’on se moquait d’elle, dans ce cas.

Mais elle ne parvint pas à faire abstraction de ce genre de ressentiment, si fort que même ses dents en tremblaient alors. Elle glissait doucement sur la pente d’une perte de raison. Ceci ne lui arrivait jamais d’ordinaire, alors pourquoi maintenant ? Difficile à dire. Peut-être parce que durant toute son enfance, on s’était joué d’elle, peut-être.

En un mouvement, aussi gracieux que fluide, elle emboîta son anneau, dont il émanait une flamme d’une sublime rareté orangée, dans sa boîte arme et s’arma de son Boomerang du Ciel pour abattre l’individu en face de ce jeune homme, dont elle avait identifié la Terre comme étant le vecteur principal. La silhouette de la fille se flouta avant de s’évaporer. Une illusion, donc. Il avait eu raison et le facteur apaisant de la flamme du Ciel dissipa cette mascarade bien vite. Il y en avait encore deux, à terre.

« Eux aussi sont surement des illusions. »

Elle s’apprêtait maintenant à envoyer son Cerf à l’attaque des deux corps inertes, étendus au sol. Elle ne se ferait pas avoir deux fois. Styx n’attendait qu’une chose, que la langue de sa maitresse claque une bonne fois afin d’achever son sinistre travail de serviable assassin.

L’illusion est une terrible arme … Elle permet de s’insinuer dans les sens des gens. De les contrôler sans les contrôler réellement. De leur faire voir et entendre ce que l’on veut. Une technique de soutien hors du commun. Sauf qu’utilisée à mauvais escient, l’illusion peut vous laver le cerveau. Car il a une chose à savoir : lorsque vous vous rendez compte d’une illusion c’est que tous vos sens sous le contrôle de votre adversaire. Sauf que là, vous étiez trois sous l’emprise. Et au vu des trois … Une chef des Auditore, un médecin probablement membre de la prestigieuse école des Di Luna et enfin toi, parrain terrestre des Leones. Trois personnes aussi puissantes tombant dans ce piège. Le ou les illusionistes ennemis n’en étaient pas à leur coup d’essai.

Tu regardais autour de moi. Généralement, il était possible de trouver l’illusioniste en trouvant une distorsion ou une erreur dans le décor. Un truc représentant parfois la signature du combattant. Sauf que là … Rien. Rien de rien. Il était littéralement absent. Comme si c’était un objet qui avait causé cela.  Le jeune au Taureau voulu partir mais il ne valait mieux pas. Cela serait soit suspect, soit, en vous séparant vous risquiez de vous enfoncer encore plus dans l’illusion. Tu connaissais quelques illusionistes. Certains avaient une technique des plus vicieuses. D’abord, ils créaient un détail. Puis un autre. Puis d’autres encore jusqu’à ce que leur cible soit dans un monde appart. Ceci étant la pire des techniques. Tu craignais que cela ne soit le cas.

« Ne pars pas. Si tu le fais, mes soupçons se dirigeront naturellement vers toi. Nous sommes peut être déjà tous dans une illusion très complète. On devrait coopérer pour affronter cette éventualité. »

Pour prouver ta théorie, tu utilisas la flamme de la terre pour attirer à toi le mur devant toi. Comme normalement, des blocs de roche se détachèrent de l’assemblage. Sauf qu’au moment où tu désactivas ta flamme pour les laisser tomber par terre, ils se transformèrent et en sable et en brume pour retourner à leurs places. Deux types d’illusions parfaitement différent mais synchronisé. S’il y avait deux illusionnistes, ils étaient certainement jumeaux pour être en phase à ce point. Sinon, il s’agissait d’un seul illusionniste très puissant … Et dans ce cas là, il n’avait pas une flamme  principale mais des flammes jumelles. Ce qui était un fait très rare.

Tu ne savais pas trop quoi dire. Tu ne pouvais pas tirer de conclusions hâtives. Si tu le faisais, tu risquais de te tromper et dans ce cas tu passerais pour l’illusionniste. Comment faire. Tu commençais à désespérer quand une voix s’éleva :

« Jouons à un jeu. Cette ville est devenue mon terrain préféré. J’y ai installé tout un tas de piège. Vrais ou illusoires. Si vous voulez sortir, trouvez moi et tuez moi. Ceux étant tombé dans mon illusion jusqu’à maintenant ne sont plus que des légumes sous mes ordres. Bonne chance. »

Lorsque tu entendis cela, tu te retournas vers les autres. La voix avait retenti dans ta tête … Illusion ou réalité ? Une seule chose à faire : leur en parler. Mais pour la première fois depuis longtemps, tu étais déboussolé.

« Vous … Vous avez entendu ? »

Spoiler:

La Lesioni se sentait soudain très petite, voire minuscule, dans ce grand monde prompt à la dévorer d’un revers de dents d’une minute à l’autre. Son cœur battait très fort, au point qu’elle pensa, un instant durant lequel l’impossible s’engouffra dans une brèche de son esprit, que le petit organe allait finir par lui fausser compagnie définitivement. C’était tout sauf réaliste et elle réalisa bien vite son erreur, honteuse. Conservant son silence, elle n’avait prononcé aucune parole depuis sa mise en garde contre ces illusions très réalistes d’hommes et de femmes pourvus de flammes de dernière volonté et d’anneaux assortis à des boîtes plus vraies que nature. Elle se laissa aller à de magnifiques plans pour le futur. Si elle parvenait à enrôler ces illusionnistes sous la coupe des Auditore, alors sa famille gagnerait ainsi des alliés de poids, c’était certain !

A la simple évocation de cette hypothèse encore incertaine, la Boss Vérificatrice sourit tout en douceur, perdue dans ses pensées. Enfin, il en fut ainsi jusqu’à ce qu’elle entende le jeune homme lui faisant face s’adresser à son acolyte. Coopérer, hein ? C’était une première, pour Symphony. Les Auditore ne coopéraient jamais avec qui que ce soit si ce n’était un membre de la famiglia. Et encore, certains étaient singuliers à l’extrême et même en temps de massacre purgatif, la plus jeune Boss ne le voyait jamais œuvrer de concert avec qui que ce soit d’autre. Hum, dans les faits, cela ne la gênait guère, mais elle doutait simplement des deux personnes en face d’elle. Qui pouvait lui assurer que lorsqu’elle aurait le dos tourné, ils ne tenteraient pas de la poignarder sauvagement ? C’est vrai, elle ne pouvait exclure cette possibilité. La Mafia et son monde étaient ce qu’ils étaient, après tout. Il ne fallait rien laisser au hasard.

Son Cerf du Ciel, Styx, revint vers elle, toujours aussi protecteur. Et c’est à ce moment-là qu’elle prit peur. Une voix, dans sa tête, la mettait au défi de jouer à un jeu sordide. Son corps fut pris de vigoureux spasmes, c’en était fatiguant, éprouvant. L’animal soutint le buste de sa maîtresse avec la plus grande douceur du monde, presque humain par ses actes. Il était essentiel qu’elle revienne vite parmi les siens ou ils allaient s’inquiéter. Alda, Matthew, Romano, Idonil… Elle ne voulait pas leur causer du mauvais sang. Il fallait donc agir vite et bien et dans son intérêt, marcher aux côtés de ses étrangers qui n’en étaient guère vraiment lui faciliterait d’autant plus la tâche qu’elle ne serait pas la seule à tout gérer.

Ayant observé le pouvoir de ces personnes prodigieuses par les actions manquées du Leone, elle en déduisit la chose suivante, pensant à voix bien plus haute qu’elle ne l’aurait certainement pensé :

« Oui… Nous n’allons pas avoir d’autres choix que celui de coopérer… »

Elle détestait que l’on s’infiltre ainsi dans son esprit. Toutefois, si l’opposant se rependait en excuses et acceptait de rejoindre les Auditore, alors, peut-être qu’elle accepterait de la gracier, pour l’avenir du monde à venir prochainement. Les choses sérieuses n’avaient pas encore commencées, c’était là une chose dont elle était bien consciente.

Dans sa rêverie, elle voulut faire demi-tour pour sortir de cette sordide ruelle. Son animal, alerté par un « clic » sonore, vint alors la secouer un peu, pour son propre bien. Il avait bloqué le mécanisme d’un piège à loup avec l’un de ses bois enflammé. S’il n’avait pas agi avec autant de vivacité, peut-être la cheville de la Lesioni aurait été grièvement altérée. Elle lui devait une fière chandelle, comme d’habitude.

Prise d’une certaine peur, son premier réflexe, une fois retournée vers sa bête docile, fut de crier son nom.

« Styx ! »

Elle avait la larme à l’œil et menaçait presque de s’effondrer, piteuse et faible, entre ces murs peut-être aussi faux que l’existence de son œil en second. Se redressant, la violette se rapprocha de l’animal qui explosa sans problème le piège et vint le caresser tendrement. Ceci fait, elle grimpa sur son dos et sans affronter le regard des hommes qui la terrifiaient quelque peu, amorça un semblant de conversation.

« Bien… Par ou commençons nous ? »

Il n’y avait pas d’autres choix que celui de coopérer, sans doute. C’était maintenant un fait avéré.